Section UNSA (groupe) Astek

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Préparer son dossier personnel en vue d’une saisine du Conseil de Prud’hommes.

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Il existe deux catégories de personnes qui se retrouvent confrontées aux divers litiges traités par les conseils de prud’hommes :

 

  • Celles qui prennent ça comme on prend une averse sur le nez quand on a oublié son parapluie.
  • Celles qui consultent la météo, doutent qu’ils puissent pleuvoir, prennent malgré tout un parapluie par précaution, s’en félicitent quand l’averse est là et sourient de voir les autres trempés jusqu’aux os. 

J’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de recevoir une ondée sans couvre-chef, mais en matière prud’homale là, je prends toujours mes précautions.

 

Un dossier prud’homal se prépare dès qu’on est embauché. Eh oui, pour plusieurs raisons :

 

  • Il est rare qu’on signe un contrat de travail réellement respectueux de la loi, que ce soit sur la clause de non concurrence ou sur la mobilité géographique, quand ce n’est pas tout simplement sur le respect des minima salariaux et la définition des primes et objectifs.
  • Il arrive que l’employeur mette fin à votre période d’essai sans même vous avoir donné votre chance de prouver votre valeur au niveau professionnel. (N.B : Ainsi, dans nos métiers, un salarié peut très bien être embauché sur profil, commencer sa période d’essai en n’ayant strictement rien à faire en intermission à domicile, et être finalement jeté avant la fin de son essai. Ce cas de figure est non seulement condamnable, mais condamné par les prud’hommes.) 

Les documents de base

Gardez donc précieusement votre contrat de travail, vos lettres d’objectifs si vous en avez, vos ordres de missions (N.B : Vous n’êtes pas censés démarrer la moindre mission sans avoir un ordre de mission clairement détaillé sur ce que l’employeur attend de vous pour le compte du client !), et tous vos bulletins de salaire.

 

Les heures supplémentaires

Si vous effectuez des heures supplémentaires, faites en sorte d’obtenir une confirmation de votre client et/ou de votre employeur car la loi précise bien que ce n’est pas au salarié d’effectuer spontanément des heures supplémentaires.

 

Chacun goûtera ici l’hypocrisie managériale qui consiste à vous laisser faire toutes les heures supplémentaires que vous voulez, pour vous dire ensuite qu’on ne vous a jamais demandé de les effectuer. Raison de plus pour aller réclamer leur paiement auprès des prud’hommes. Pour ça, notez-les soigneusement dans un document personnel (carnet, fichier Excel etc.) afin de pouvoir en évaluer précisément le montant.

 

Pensez également à conserver des copies des mails que vous envoyez depuis le travail en dehors des plages horaires classiques. Un échange avec votre responsable à 21h00 sera toujours utile à prouver que vous avez bien effectué des heures supplémentaires pour le compte du client et qu’elles doivent donc vous être payées.

 

Si vous travaillez sur un site client comptabilisant les entrées et sorties du personnel, c’est encore mieux car les salariés disposent, sur les documents comptabilisant leur durée du travail et quelle que soit leur forme (enregistrement manuel ou informatique), du droit d'accès prévu à l'article 39 de la loi n° 78-19 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce droit comporte l'accès aux documents et le droit d'en obtenir une copie.

 

Chronologie des faits marquants

Vous verrez rapidement qu’un jour chasse l’autre et que plus le temps passe, moins on se rappelle clairement et facilement des évènements qui pimentent le quotidien. (Surtout s’ils sont stressants !)

 

Inutile de noter les menus de la cantine… Par contre, et surtout dès que vous sentez que le vent tourne pour vous avec votre employeur, voire dès votre entrée dans l’entreprise si vous êtes méticuleux, établissez cet historique.

 

Quoi noter ? Date d’embauche, date de démarrage de chaque mission, formations, arrêts maladie et plus globalement tout ce qui peut revêtir une importance quelconque pour un dossier prud’homal.

 

Le 02/04/2010, Madame Grobidon, responsable technique pour le client Startignol me demande de rester plus tard pour achever le module dont j’ai la charge dans le cadre du projet Big Bidule.

 

Le 08/04/2010, excédée par les retards accumulés, elle m’insulte devant MM. Manivelle et Villebrequin et me traite de « Pauvre incapable ».

 

Le 23/04/2010, notre DRH, M. Mouchabeuf me reçoit de façon informelle dans son bureau et m’annonce que si je compte donner suite à l’incident survenu les 08/04 avec Mme Grobidon, il ne pourra pas me maintenir en mission chez Startignol et utilisera les retards du projet comme motif de licenciement, bien qu’il soit conscient du fait que je n’en sois en aucun cas responsable.

 

Le noter au fur et à mesure, en dépit de l’effort demandé, souvent dans un contexte très dur, vous permettra de gagner du temps et d’être plus précis au moment voulu.

 

Les agendas papier ou de type Outlook sont un moyen rapide et pratique de noter tous ces évènements au jour le jour. Pensez-y, et pensez surtout à en avoir une copie chez vous à disposition (Messagerie et agenda). Vous pouvez très bien arriver le matin de bon humeur et vous retrouver mis à pied dans l’heure qui suit lorsque les choses se précipitent.

 

Les délégués du personnel, le CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail)

Les représentants du personnel peuvent également vous aider lorsque le vin tourne au vinaigre avec votre employeur. Mais avant toute chose, sélectionnez parmi eux votre ou vos interlocuteurs car hélas, on trouve de tout dans ces instances. (et je suis bien placé pour en parler !)

 

Le fait d’être élu aux élections professionnelles ne fait en rien d’un collègue un expert. Il faut des années pour ça et encore, à la condition de ne pas être élu uniquement pour profiter du statut de salarié protégé.

 

J’en connais beaucoup qui vont vous sortir la moitié des références du code du travail pour vous épater mais qui ne seront pas là pour vous aider à rédige un courrier correct à l’inspection du travail, pour vous donner des conseils pertinents, pour vous aider à monter votre dossier prud’homal, pour vous soutenir moralement si besoin et pour vous aiguiller si besoin vers de bons avocats.

 

Certains lanceront volontiers un droit d’alerte DP sur votre personne, ce qui est là-aussi très impressionnant, sauf que s’il est mal préparé et mal pensé tactiquement, il risque non seulement de ne pas vous aider mais même de vous desservir. Et il n’empêchera pas que vous vous fassiez licencier de toute façon.

 

Le bouche à oreille au sein de l’entreprise permet souvent de se faire une idée quant à la valeur personnelle des uns et des autres… Pensez-y. Et puis sinon : UNSA.Astek@gmail.com

 

Les délégués du personnel disposent d’une arme potentiellement très utile : la question à la direction. Un délégué peut ainsi poser n’importe quelle question précise à la direction et en recevoir une réponse qui sera portée au registre des DP. Cette réponse engage la direction, (C’est pourquoi en général les réponses sont bien plus floues que les questions…) et peut s’avérer très utile dans le montage d’un dossier.

 

Concernant le CHSCT, même commentaire. Membre d’un CHSCT depuis 2005 et secrétaire depuis 2007, je peux vous assurer qu’il faut des années de pratique et de formations diverses pour pouvoir prétendre savoir de quoi on parle. Prudence donc là-encore quant à votre ou vos interlocuteurs.

 

Le CHSCT pour sa part pourra constater vos conditions de travail, avec un bémol cependant : uniquement chez votre employeur. SI vous êtes en mission chez un client, c’est le CHSCT du site client où vous travaillez qui sera concerné.

 

Par contre, rien ne vous empêche d’aborder les relations avec votre management, votre état de santé, de stress, vos problèmes personnels pouvant impacter votre travail, vos craintes , etc. Un membre du CHSCT pourra ensuite tout à fait établir une attestation (voir ci-après) reprenant tout ou partie des éléments que vous lui aurez confié ce qui selon le contexte, pourra également venir étoffer votre dossier prud’homal.

 

Les procès-verbaux et autres compte-rendu produits par le Comité d’Entreprise (CE) et le CHSCT peuvent également s’avérer des sources d’information et des pièces intéressantes.

 

Les collègues

Vos collègues peuvent être témoins d’incidents ou de faits dont le témoignage peut s’avérer prépondérant dans votre dossier. Il leur est possible de le faire très simplement en utilisant le modèle dont vous pouvez télécharger une copie ici : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R11307

 

Obtenir le CERFA n’est pas difficile. Le faire remplir par contre… Sachez que cette attestation qui doit être manuscrite (1er écueil - écrire) et être accompagnée d’une photocopie recto/verso d’une pièce d’identité du témoin (2e écueil – faire des photocopies) sera versée au dossier si elle est retenue par votre avocat. Lors de l’échange des pièces, l’employeur saura donc qui a rédigé une attestation en votre faveur et pourra tout à fait en tenir compte dans ses futures relations avec cet employé… Vous me suivez je pense.

 

Préférez donc autant que possible les ex-collègues qui ne font plus partie de l’entreprise et ne risquent pas de se faire virer (à condition d’avoir gardé le contact avec eux) et/ou les représentants du personnel et les représentants syndicaux qui sont protégés par leur statut. (Evidemment, un DP ne pourra pas attester d’une altercation à laquelle il n’a pas assisté personnellement, mais pourra témoigner de l’attitude générale de votre interlocuteur s’il est connu pour être du genre colérique, agressif, insultant et rappeler des faits passés, etc.)

 

Vous verrez vite que si beaucoup veulent vous aider, les choses changent quand il faut commencer à gratter un texte sur papier pendant une demi-heure et fournir une copie de sa carte d’identité. Aider d’accord, mais se mouiller… hum ! Inutile d’insister si un collègue refuse. Le courage c’est comme les antibiotiques : c’est pas automatique.

 

L’avocat

Vous l’aurez compris, je plaide en faveur de l’utilisation d’un avocat. Certes, il est tout à fait possible de saisir le conseil de prud’hommes personnellement tout comme il est possible de réparer soi-même sa plomberie, mais préparer seul une action en justice reste tout de même un peu délicat. Alors comme on va chez le dentiste pour une carie, on va chez un avocat spécialiste en droit du travail (ou droit social) pour soigner son litige avec son employeur.

 

Ne prenez pas le premier avocat qui passe. S’il ne connaît pas le droit du travail et même si c’est l’avocat de la famille, il n’a que peu de chance de faire l’affaire. Consultez internet ou consultez-moi, ce n’est pas les bonnes adresses qui manquent.

 

De même, un avocat se fera bien évidemment rémunérer. Afin de tester son sérieux, faites en sorte de ne pas lui verser plus de 500 € avant la date du bureau de conciliation. S’il tient à se voir payer du tout avant de faire quoi que ce soit, allez en voir un autre !

 

Globalement avec un avocat « honnête », un dossier prud’homal vous coûtera entre 1.000 et 3.000 € HT avec un pourcentage sur les sommes gagnées (en général dans les 10 %). Ça vous parait beaucoup ? S’il fait bien son travail, c’est une somme tout à fait justifiée. Tout devra être noté noir sur blanc dans une convention d’honoraires que vous signerez et dont il vous remettra une copie.

 

Fauché ? Tentez le coup avec l’aide juridictionnelle tant que le trio Taubira, Valls, Macron ne l’a pas taillé en pièces à coups de réformes : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18074

 

Conclusion

Bon, il y a bien sûr beaucoup d’autres détails dont je pourrais vous parler mais ce n’est pas le but ici. Suivez déjà ces quelques conseils et vous serez bien armés si d’aventure on venait à vous léser sur vos heures de travail, vos primes, ou pire, à vous mettre à la porte.

 

Jean-Luc Mercier

 


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12/11/2015
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